Le ptit' livre du jour n°06 : Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski


A la tête de la famille Karamazov, il y a Fiodor Pavlovitch, vieillard méchant, libidineux et alcoolique. Il possède 3 fils, frères de sang donc, qui donnent leur nom au roman: Dimitri, l'ainé, romantique et passionné, Ivan, le second, matérialiste et torturé, et Alexei le cadet, tout juste sorti du monastère, idéaliste et obsédé par l'idée de faire le bien (sa naïveté le rapproche du héros de l'Idiot), on peut ajouter à cette fratrie, Smerdiakov, le fils illégitime de Fiodor Pavlovitch, employé comme domestique par ce dernier et méprisé par toute sa famille. Bien que très différents les uns des autres, les frères Karamazov ont en commun le terrible atavisme qui les lie, et luttent tant bien que mal contre le caractère ardent et la folie paternelle dont ils ont hérité. Ajoutez à cela 2 femmes belles et fières qui se plaisent à séduire tour à tour chacun des 3 frères (et leur père) et l'intrigue est posée...
Dostoïevski fait sans doute partie de mes auteurs préférés et pourtant je suis obligée d'admettre que ses livres ne sont pas faciles à lire. D'emblée ils repoussent par la complexité de leurs intrigues, les nombreuses digressions, leur grand nombre de personnages... et Les Frères Karamazov ne fait pas exception à cette règle. Mais il me semble que cette écriture alambiquée s'accorde parfaitement aux récits de Dostoïevski, exaltés, fiévreux, et qui n'ont pas leur pareil pour décrire les troubles de l'âme humaine. A travers ce dernier roman, il traite une fois de plus des thèmes qui lui sont chers : la croyance en Dieu, la rédemption face au péché, la difficulté de vivre de façon morale dans une société corrompue...En nous faisant partager les angoisses et les questionnements des frères Karamazov, il fait émerger leur humanité, et nous rend finalement cette terrible fratrie profondément attachante.

Le ptit' livre du jour n°05 : Martin Eden de Jack London

Martin Eden est un chef d’œuvre de la littérature américaine : déclaration de guerre contre la morale bourgeoise, superbe histoire d'amour, il porte haut et fort tous les idéaux de Jack London. L'intrigue est d'ailleurs largement inspirée de sa propre vie, bien qu'il l'ait toujours nié. Elle raconte les débuts difficiles d'un jeune écrivain dans l’Amérique du début du 20ème siècle. Comme Jack London, Martin Eden est issu d'un milieu populaire, et incapable de vivre de sa plume, doit enchainer les métiers difficiles pour survivre. Mais ni la misère, ni les innombrables lettres de refus des éditeurs n’arrêtent son désir de devenir romancier. Assoiffé de vivre, il se jette avec rage dans tout ce que la vie lui propose : les études, l'aventure, l'amour...Dans chacun de ces domaines, il se heurte inlassablement à l’incompréhension de la classe bourgeoise et de ses idées étriquées. Car il possède bien plus que ce que la bourgeoisie ne pourra jamais concevoir : plus que le talent, c'est un véritable feu intérieur, le génie pur, qui l'anime. Un génie que possède également sans conteste Jack London, qui s'approprie avec merveille le mythe de l’artiste incompris et livre là un de ses plus beaux romans.

...et la version noir et blanc

" Elle regarda, fatale, avec ses yeux d'Aldébaran, rayon visuel mixte, ayant on ne sait quoi de louche et de sidéral. Gwynplaine contemplait cette prunelle bleue et cette prunelle noire, éperdu sous la double fixité de ce regard de ciel et de ce regard d'enfer. Cette femme et cet homme se renvoyaient l'éblouissement sinistre. Ils se fascinaient l'un l'autre, lui par la difformité, elle par la beauté, tous deux par l'horreur [ ...] Quelque chose d'inexorable s'ébauchait. Il était dans l'antre de la femme fauve, homme fauve lui-même. "

Le ptit' livre du jour n°04 : L'homme qui rit de Victor Hugo

Lyrique, visionnaire, romantique au possible, « l’homme qui rit » tient une place à part dans  l’oeuvre de Victor Hugo. Conte monstrueux et grotesque, il se détache de ses autres romans par une atmosphère profondément baroque et onirique.
L’histoire se passe dans l’Angleterre du 18ème siècle. On y suit la vie de Gwynplaine, jeune saltimbanque dont le visage a été défiguré pour en faire un monstre de foire, ce qui lui vaut le surnom d’homme qui rit. Il mène une vie misérable jusqu’au jour où il apprend qu’il possède des origines nobles et se retrouve alors propulsé au rang de Lord. Gwynplaine voit dans ce tour du destin  l’occasion d’inciter l’aristocratie anglaise à agir en faveur du peuple. Mais ses revendications seront accueillies avec mépris et moqueries, brisant tous ses rêves de justice et concluant de façon tragique son ascension sociale.
Hugo, profondément républicain, fait du livre entier un brulant réquisitoire contre la monarchie. Au sommet de son art, il dénonce avec une éloquence inégalée le mépris des classes dominantes pour les plus pauvres. Il pointe du doigt la misère et clame une fois de plus le droit à la dignité et à l’éducation pour chaque homme. Si le roman se finit de façon très sombre, Gwynplaine, dans un discours visionnaire, prédit la rebellion certaine du peuple contre le pouvoir qui l’opprime.
La révolution française lui donnera raison et Hugo achèvera sa fresque républicaine 5 ans plus tard, avec la publication de « Quatrevingt-treize ».